Technique de broderie – Carole Fromenty

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Carole Fromenty
Plasticienne

http://www.carolefromenty.com/happy-family

Déf . / passé empiétant : Le passé empiétant est une technique de broderie qui permet de couvrir des surfaces par un point qui va d’arrière en avant.
« Avec mes images brodées, je veux créer « un archivage d’invention » permettant à la mémoire de se déployer, à l’imagination d’intervenir pour compléter les vides afin que le spectateur projette sur les objets ses propres récits. Sous leurs apparences, il y a nos ressemblances, nos expériences familiales qui sont convoquées et le passé existe alors au présent.

Comme certains autres artistes, je m’empare de documents photographiques ou d’imprimés, trouvés, anonymes et ordinaires que je manipule et réinvente. Notre mémoire d’homme à toujours semble-t-il une disparition à déplorer, à conserver, même inconnue et ces images en sont les témoins mais ce ne sont pas les photos en tant que traces ou reliques du passé qui m’intéressent, elles sont déjà en tant que tel un dispositif qui permet la mémorisation. Roland Barthes dans la Chambre claire écrit « (…) dans la photographie, je ne puis nier que la chose ait été là, il y a double position conjointe : de réalité et de passé. » C’est alors ce qui m’intéresse ici, la confrontation entre ce passé évoqué et ce présent à voir car l’histoire n’est pas figée et immobile, elle évolue, se métamorphose, survit et vit.
Ces images sont pour moi les éléments actifs d’un échange car il s’agit pour moi de réécrire l’image, de la revoir. En les brodant, en les manipulant, en les réimprimant et en les transformant par le fil, je les redonne à voir. Les portraits qui sont auparavant figés, pétrifiés par l’attitude rigide auquel les soumet le temps de pose, deviennent un support sensible par le choix du tissu et des matières. Ces objets sont capables alors de retenir l’attention, de convoquer la mémoire et de permettre le souvenir. Tout en disant la perte ou la disparition, ils engendrent, de la part du spectateur une activité créatrice, une fiction. Dans une photographie, tout n’est pas là, tout n’est pas donné de façon lisible, il y a des béances, des absences qui permettent une perception active, une implication du sujet.
Avec mes images brodées, je veux créer « un archivage d’invention » permettant à la mémoire de se déployer, à l’imagination d’intervenir pour compléter les vides afin que le spectateur projette sur les objets ses propres récits. Sous leurs apparences, il y a nos ressemblances, nos expériences familiales qui sont convoquées et le passé existe alors au présent. Il ne s’agit pas de réconcilier le présent avec l’autrefois, mais de faire différer le temps présent en évoquant son propre passé. Toute ressemblance ou similitude avec des personnages ou des faits existants ou ayant existé, ne saurait être fortuite car j’ai cherché à produire dans ces ouvrages ce type d’appropriation. Ils jouent alors la carte de la fiction voire de l’enfouissement dans un univers littéraire et collectif plus vaste, laissant la traçabilité d’un fil rouge qui les relie à l’histoire de chacun. Comme l’écrivait Maurice Merleau-Ponty :  » nous ne quittons jamais notre vie ».

Carole Fromenty